lundi 19 mai 2008

Dans les catacombes d'Orléans

Au coeur de la ville, les catacombes orléanaises présentent un caractère unique en région Centre. Découvertes en juin 1940, elles abritent des ossements datant pour certains du Moyen Age. Pierre Hamel, découvreur des lieux, raconte leur histoire.

Des ossements humains par centaines. "Vous n'avez pas peur... parce qu'il faut descendre à 9 m sous terre ". Pierre Hamel, retraité passionné d'archéologie, fait glisser la trappe avant de jeter son échelle en bois dans un trou d'un mètre carré environ. Plus bas, dans la pénombre et une chaleur moite, on se retrouve sur une minuscule plate-forme, la tête dans les épaules et le corps plié en deux. "C'est que c'est toute une expédition quand on va là-dedans !" À 82 ans, la silhouette gracile mais énergique, Pierre Hamel enfourche la deuxième échelle, qui l'entraîne vers "les entrailles de la terre", comme il dit.

Certes, il y aurait bien un autre accès : l'escalier emprunté jadis par les fossoyeurs, aujourd'hui muré. "On sait qu'il donne dans la ruelle Saint-Paul. Sa réouverture permettrait au public d'accéder aux catacombes, réservées pour l'heure aux spécialistes". Flash-back : nous sommes en juin 1940. L'église Saint-Paul est détruite par les bombardements. Des militaires français déblayent les décombres. "Vous ferez attention, par ici il y a une grosse dalle", leur lance Pierre Hamel, pensant qu'elle recouvrait un caveau. Deux soldats s'engouffrent alors dans le trou mis à nu... "Pas de danger, vous pouvez venir, avaient-ils crié. C'est alors que je suis descendu dans la cavité pour la première fois".

Un patrimoine précieux. A l'abri de l'érosion naturelle, le site (long de près de 50 m et large de 2,5 m) avait remarquablement conservé son puits ovale (qui permettait le passage des cercueils), sa galerie, ses arcades du XIIe siècle, ses clefs de voûtes et des ossements humains par centaines. Abandonnées jusqu'en 1958, date du grand déblaiement de l'église, les catacombes furent ensuite à nouveau explorées. " On a découvert que des notables y avaient été enterrés comme Colas des Francs, maire d'Orléans au XVIe siècle, ou encore Jacques Boucher, trésorier du duc d'Orléans", explique Pierre Hamel. Et d'ajouter que la dernière personne inhumée en 1782 était une femme de haut rang.

En 1989, Pierre Hamel et quelques camarades de la SFES (Société française d'étude des souterrains) ont regroupé crânes, tibias et petits os dans les deux ossuaires, les disposant en escalier sur 4 m de profondeur. Si quelques plaques furent identifiées, il demeure toutefois difficile de dater ces catacombes. "On sait simplement que du temps où le quartier s'appelait Avenum, il y avait une très grande carrière, que celle-ci a été aménagée comme lieu de sépulture puis renforcée au XIIe siècle pour construire l'église Saint-Paul" Pour continuer les recherches, on peut faire confiance à notre retraité : "J'ai du nez, j'étudie les monuments, les joints des pierres et je vois tout de suite s'il y a quelque chose... " : c'est lui qui avait mis le doigt sur des chapiteaux de la crypte Saint-Aignan passés inaperçus pendant mille ans. Toujours à l'écoute des pierres, Pierre Hamel veille sur un patrimoine précieux qui livrera peut-être un jour d'autres secrets accumulés au fil des siècles.

Renseignements:
À lire : Orléans Souterrain, Monique Templier-Serge Vannier (C.L.D.)
Pour adhérer à la SFES (Société française d'étude des souterrains) :
Contacter Bernard Lhuillery 13, rue Eugène Sue, 45000 Orléans
Tél. : 02 38 86 63 72

Un patrimoine religieux sauvé de l'oubliCréé en 1950 par Pierre Hamel, le musée lapidaire de la tour Saint-Paul rassemble des vestiges des différentes églises Saint-Paul bâties au cours des siècles : quelque 500 pièces, sauvées des ruines, des flammes, des bulldozers ou bien retrouvées sous terre, dans les murs ou les fondations de piliers. Comme un chapiteau pré-roman du VIIIe siècle, "la plus belle pièce du musée" ; une très belle statue du Christ en majesté (XIIe siècle) ; un Saint-Jacques avec chapeau orné de la coquille du pèlerin (XVe) ; des épingles en bronze qui servaient à attacher les linceuls, mais aussi des fonds baptismaux et deux cuves (1659) et un ostensoir (début XIXe) caché sous des tapis par Pierre Hamel pendant la guerre... On pourra compléter la visite du musée par l'ascension des 195 marches de la tour pour une vue imprenable sur Orléans et ses alentours.

Musée de la Tour Saint-Paul :Visite uniquement sur RDV.
Contacter Pierre Hamel au 02 38 53 85 37.

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