lundi 19 mai 2008

Des vitraux pour peindre la lumière

Dans les ateliers Gouffault d'Orléans, se perpétue l'art lumineux des maîtres verriers. Un savoir faire qui s'inscrit en lettre de plomb dans une tradition plusieurs fois centenaire.

Des églises à l'art déco. Depuis 1930, les vitraux Gouffault habillent la lumière. Lorsqu'il crée son atelier au 40 de la rue Bannier, Louis Gouffault n'est pas maître verrier. Excellent gestionnaire, à défaut d'être de l'art, il fait former son fils Bernard, auprès des meilleurs maîtres. Celui-ci fréquente plusieurs ateliers, à Limoges, en Suisse, et complète sa formation avec des cours d'histoire de l'art et d'art sacré. La France d'après-guerre ne manque pas de travail pour des verriers compétents, et les vitraux d'Orléans ornent les églises défigurées de Normandie.

Si l'église reste la principale pourvoyeuse d'ouvrage, le vitrail trouve sa place dans l'art déco. Avec la possibilité de l'associer au double vitrage, il explore de nouvelles applications chez les particuliers : vérandas, portes intérieures, dessus de portes... L'autre champ d'activité des verriers est la restauration. Si les vitraux sont éternels, le plomb, lui, s'oxyde en un siècle. Il faut alors démonter le vitrail, et le "remettre en plomb". Sinon les soudures à l'étain cassent, le vitrail se "met à genoux ", c'est-à-dire se gondole, quitte son support... Dès qu'un verre tombe, tout le reste s'effondre. Et la réparation n'est pas toujours possible.

La grisaille mord le verre. Christian Roi est maître verrier chez Gouffault. Agé de 57 ans, il a fait son apprentissage chez Degusseau à Orléans, en parallèle des Beaux-Arts. Un double cursus nécessaire : la peinture sur verre a des règles sévères, et bien plus difficiles que la peinture à l'huile. Le verrier travaille sur un verre blanc ou coloré. Celui-ci est teint avec des oxydes qui, montés à la bonne température, "mordent" la surface ramollie du verre, et s'incorpore en un émail indélébile.

Si l'artiste décide de rajouter une couleur, de dessiner les détails d'une main ou d'un visage, il utilise la "grisaille". Cette poudre permet d'obtenir une infinité de nuances selon sa cuisson et sa dilution. Cet art de la couleur et du détail voit sa difficulté encore rehaussée par l'inévitable transformation liée à la cuisson. "Tout rentre en compte : la température, la durée et... La disposition des pièces dans le four !". Des rouges placés trop près des parois virent au noir. Tout est alors à refaire. Des "ratés" d'autant plus rares, que l'expérience du peintre est judicieusement étayée par quelques essais préalables.
Si l'art est difficile, il est ancien. Christian Roi assure que "rien n'a changé depuis le XIIe siècle", c'est dire. Mais, dans le monde atemporel du vitrail aussi, le progrès impose sa loi. Le thermoformage permet désormais de s'affranchir du plomb, en "soudant" les pièces de verres. Une révolution. "Cependant, le métier reste le même, explique le verrier, le four avec lequel nous travaillons ici est celui sur lequel j'ai appris le métier il y a quelques décennies. Il peut durer encore quelques générations".

Les 10 étapes du vitrail:

1)Maquette : L'artiste peint une maquette au dixième du naturel.
2)Carton : Reproduction de la maquette grandeur nature, tous les détails sont représentés, les couleurs définies.
3)Calque : Les contours du carton sont suivis au tracé sur calque.
4)Calibrage : Trois épaisseurs de papier, calque, carbone rouge, carton sont ajustés.
5)Coupe des calibres : chaque pièce de la composition est isolée en calibres, qui serviront de modèles pour la découpe.
6)Assemblage des calibres : Chaque calibre est replacé sur le calque et numéroté.
7)Choix des verres : l'artiste dispose de plus de 300 couleurs de base.
8)Coupe : Chaque calibre est placé sur sa plaque de verre, ses contours sont découpés au diamant.
9)Assemblage : Les pièces sont placées sur le calque pour une vérification des contours et des couleurs.
10)Mise en plomb et finissage : La réglette de plomb fixe les mosaïques de verre et assure la tenue du sujet. Selon l'épaisseur de la ligne de plomb, certains détails sont soulignés.

Gouffault, maître verrier
1136 rue de Gautray ZA d'Orléans - Sologne
Tél. : 02 38 63 68 22

Aucun commentaire: