Le Château de Valençay se trouve à Valençay, en Indre (France). Il fut la propriété de John Law, puis du prince de Talleyrand. Bien que situé dans le Berry, sa construction l'apparente aux châteaux de la Loire, en particulier au château de Chambord. Dans un élan enthousiaste, George Sand écrivit à son sujet : " Ce lieu est l'un des plus beaux de la terre et aucun roi ne possède un parc plus pittoresque."
Présentation: L'architecture extérieure montre les trois ordres classiques se superposant sur les pilastres : ordre dorique au rez-de-chaussée, ordre ionique au premier étage et ordre corinthien au second.
Les salons abritent un mobilier somptueux, principalement d'époque Empire; la demeure compte une centaine de pièces, dont 25 appartements de maître. Une galerie, longue de près de 80 mètres, court tout le long du premier étage et dessert les appartements.
La superficie du parc est d'une quarantaine d'hectares. Le jardin "à La Française" date du début du XXe siècle et une partie des terres a été transformée en un parc animalier. Dans les communs du château, un "théâtre de poche" de 200 places a été construit par Talleyrand pour l'agrément des princes d'Espagne lors de leur séjour forcé.
L'un des nombreux intérêts de ce monument est qu'il conserve une partie de son mobilier dans les pièces visitables.
Au début du XXe siècle une partie de ce mobilier a quitté le château et jusqu'à la fin du XIXe siècle le bâtiment abritait une magnifique bibliothèque et de très beaux tableaux de maître.
Histoire: La villa gallo-romaine de Valenciacus (domaine de Valans) précéda un premier "lourd et massif donjon de pierre" édifié à la fin du Xème siècle ou au début du XIème siècle.
Le premier seigneur connu par une charte de donation datable entre 1026 et 1047 est Bertrand.
En 1220 Gauthier, dit seigneur de Valençay, passe pour avoir été le constructeur du premier château féodal. En 1268, par son mariage avec Jean, bâtard de Châlon, sa descendante Alice de Bourgogne transmet cette très importante seigneurie, fief du duc d'Orléans, comte de Blois, à la maison de Châlon-Tonnerre.
En 1410, Charles d'Orléans accorda une diminution d'impôts "aux manans et habitants de Valençay" réduits à la misère par les épidémies, le passage et le logement des troupes.
En 1451, la seigneurie passe à Robert II d'Estampes et vers 1540 c'est Jacques Ier d'Estampes, époux de Jeanne Bernard, riche héritière angevine, qui fait raser le vieux manoir du XIIe siècle pour le remplacer par une résidence moderne dont les plans sont attribuables à l'architecte Jean de l'Espine; à la mort de ce seigneur, sont seuls achevés la façade Nord, le pavillon d'entrée et les tours d'angle.
Les travaux ne sont repris que dans la 1ère moitié du XVIIème siècle par Dominique d'Estampes - aile Ouest et Est (détruite) -qui en aurait confié la décoration à Pierre de Cortone et au peintre Jean Mosnier. Une grande salle abritait entre autres oeuvres d'art, une vierge italienne donnée par le Pape Innocent X à Henri d'Estampes, ambassadeur de France à Rome.
En 1653, Melle de Montpensier, dite "la Grande Mademoiselle", y passa et l'évoque ainsi dans ses Mémoires :
"j'y arrivais aux flambeaux : je crus entrer dans une demeure enchantée. Il y a un corps de logis le plus beau et le plus magnifique du monde" (...).
Le domaine est peu à peu divisé par les successions familiales et Philiberte Amelot, la veuve presque ruinée de Henri-Hubert d'Estampes, en céde la moitié au financier John Law, vente qui est annulée par arrêt du Conseil du Roi.
En juillet 1747 Valencay est vendu à Jacques-Louis Chaumont de la Millière, puis, vingt ans plus tard, à Charles Legendre de Villemorien, fermier général, qui y fait réaliser d'importants travaux : réparation, construction de la "Tour Neuve" (Sud), démolition des communs fermant la cour d'honneur à l'Est, suppression des fenêtres à La Française et du toit à la Mansard. Il y créa une filature, plusieurs forges, fit rétablir les ponts sur le Nahon, et refaire la route de Selles-sur-Cher.
Sous la Terreur son fils, le comte de Luçay, échappe de peu à la guillotine en se cachant trois jours et trois nuits dans la forêt de Garseland; arrêté, il est acquitté grâce à son épouse en qualité "d'entrepreneur de travaux utiles à la République".
En 1803, préfet des palais consulaires et à court d'argent, il vend le domaine à Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, ancien évêque d'Autun, ministre des Relations Extérieures du Consulat, obéissant ainsi à Bonaparte, qui contribue à l'achat : "Je veux que vous ayez une belle terre, que vous y receviez brillamment le corps diplomatique, les étrangers marquants,..."
Le dernier duc, Boson de Talleyrand-Valençay, a lui aussi amené sa touche personnelle, faisant notamment fermer par des portes-fenêtres la galerie à arcades de la cour d'honneur.
Le célèbre cuisinier Marie-Antoine Carême y fut le "'chef de bouche" de Talleyrand, qui séjourna au château presque chaque année.
De 1808 à décembre 1813, Ferdinand VII d'Espagne son frère don Carlos, son oncle don Antonio, et une suite nombreuse y furent assignés à résidence; le "traité de Valençay", qui y fut signé dans la nuit du 10 au 11 décembre 1813, lui rendit alors la couronne d'Espagne et les trois princes retournèrent dans leur pays le 12 mars 1814. Leur souvenir est évoqué par "la chambre du roi d'Espagne", une allée couverte près du château, et un acte de baptême du 23 juin 1810 portent leurs signatures (archives paroissiales).
Dans le rôle du bienfaiteur local, Talleyrand, conseiller municipal puis maire de Valencay, reconstitua la filature - qui fournissait les usines de Châteauroux, d'Issoudun, et la maison Sellière à Paris et obtint une médaille à l'Exposition de Paris de 1819 - fait ériger le clocher de l'église, crée un nouveau cimetière, donne un terrain pour édifier la mairie.
Le domaine repésentait alors 12 000 hectares de terres s'étendant sur 23 communes, et on estimait sa superficie à 220 km².
En 1829 son neveu Napoléon-Louis, époux d'Anne Louise Alice de Montmorency, 3ème duc de Talleyrand, fut titré par Charles X duc de Valencay par l'influence de son oncle.
C'est lui qui,le soir du 4 septembre 1838, ayant obtenu de Louis-Philippe Ier l'inhumation de son oncle dans la crypte que celui-ci avait fait creuser sous la chapelle, reçut dans la cour d'honneur trois cercueils acheminés de Paris, ceux de Talleyrand, de son frère cadet Archambault-Joseph (1762-1838), mort un mois avant lui, et de Marie-Pauline-Yolande de Périgord (1833-1836) fille du couple ducal; la cérémonie officielle, "en présence d'une énorme assistance" eut lieu le lendemain.
Y furent ensevelis ensuite Charlotte-Dorothée, âgée de quelques semaines (octobre 1840), Anne-Alexandrine-Jeanne-Marguerite Sellière (1839-1905), duchesse de Talleyrand et de Sagan, et Charles-Guillaume-Frédéric-Marie-Boson (1832-1910) prince de Sagan en 1845, puis 4ème duc de Sagan-Talleyrand en 1898, officier de cavalerie et célèbre "dandy" de la fin du XIXème siècle, "qui tenait du pair de France et du compère de revue" selon son cousin Boniface de Castellane.
Le second fils de ces derniers, Paul-Louis-Marie-Archambaut Boson (1867-1952) était également prince de Sagan, principauté située aujourd'hui en Pologne, mais qui avant la Seconde Guerre Mondiale faisait partie de la Silésie prussienne.
Le château de Valencay, qui abrita une partie des œuvres du musée du Louvre, dont la statuaire antique (Vénus de Milo et Victoire de Samothrace notamment), le cabinet des dessins et les bijoux de la Couronne, lors de la Seconde Guerre mondiale, échappa de peu à la destruction le 16 août 1944. Ce jour-là une division allemande (la 2e division SS Das Reich) investissait en effet la ville, en représailles aux actions des maquisards installés dans la forêt toute proche.
Le duc, se prévalant de ce titre allemand, et surtout Gérald Van der Kemp (futur conservateur en chef de Versailles) durent parlementer avec les Allemands afin qu'ils épargnent le château. Dans la ville même, une quarantaine d'immeubles furent incendiés et huit personnes furent assassinées. La chapelle de l'école libre fondée par Talleyrand en 1818 sous le nom de Maison de Charité, où il repose avec sa famille, fut détruite et reconstruite à partir du 30 décembre 1957.
Sans descendance directe, le dernier duc de Valençay légua sa propriété et sa fortune à son beau-fils (le fils de sa 3e épouse), M. Morel, qui vendit le château en 1979 à une association regroupant notamment le département de l'Indre et la commune de Valençay. Le couple ducal repose dans la crypte de la chapelle.
Un grand amateur d'Art, Hélie de Talleyrand-Périgord (Florence,1882 - Rome,1968), 7ème duc de Talleyrand et de Dino, 6ème duc de Sagan.
Petit-neveu du diplomate, cet aristocrate cosmopolite et "curieux" comme son oncle le marquis de Biron, collectionneur de dessins français et vénitiens à qui il dut sa formation artistique, et dont il hérita des oeuvres qui formèrent le noyau de sa collection de dessins dont des Tiepolo, Guardi, réunit de rares et précieux tableaux, meubles (de Migeon II, Sené, Jacob) et céramiques (faiences de Castelli, porcelaines de Hochst, Meissen). Connaisseur renommé, il devint le conseiller artistique de membres du Gotha et de grands financiers américains.
En 2002, soit 34 ans après la mort sans descendance du duc, Christie's vendit aux enchères publiques certains de ses dessins italiens et de ses céramiques européennes, et le 26 novembre 2005 le contenu de son appartement parisien, comprenant entre autres objets une statuette du "prince immobile" (E.de Waresquiel) en plâtre - 1ère moitié du XIXème s.
(Céline Lefranc, "Souvenirs du duc de Talleyrand", Connaissance des Arts n°633- novembre 2005, pp. 68 à 73 - témoignage de sa petite-nièce, Béatrice de Andia).
Il avait acquis de la romancière américaine Edith Wharton le "Pavillon Colombe" à Brice-sous-Forêt, près de Montmorency, folie édifiée par l'architecte Bélanger vers 1770 pour Jean-André de Vassal qui l'offrit à Marie-Catherine Ruggieri surnommée Mademoiselle Colombe, " belle fille, mais prodigieusement grande et grosse" (Bachaumont) "actrice de remplissage et danseuse, alors au zénith de la haute galanterie parisienne" qui fut portraiturée par Boucher, Fragonard, et Pajou.
La maison, malheureusement dépouillée au XIXème siècle de presque tout son décor intérieur dont les boiseries à décor de colombes se becquetant et son portrait lâchant des colombes par Fragonard, qui ornait un trumeau, fut restaurée par le duc qui "y disposa une magnifique collection de meubles, de portrais et de souvenirs de famille" dont une série de rares objets de curiosité.
(cf. Connaissance des Arts, numéro de Noêl 1958, et Claude Frégnac, "L'Ile-de-France des châteaux", Hachette Réalités, 1977, pp. 12 à 15).
Depuis de nombreuses années, les dépendances du château n'abritent plus le "Musée Talleyrand" - installé dans l'orangerie aménagée dans un bâtiment construit en 1785 par le comte de Luçay - les objets et meubles ayant été réinstallés dans le château.
Le "musée de l'Automobile" a, lui aussi, quitté les dépendances, ancien manège aujourd'hui disparu, qui fut avant cela le hangar où le duc Boson de Talleyrand-Valençay stationnait son avion personnel. Il a été transféré avenue de la Résistance dans un ancien supermarché, situé tout près de la gare, qui, construite en pierre de tuffeau au début du XXe siècle, sur des terrains donnés par les Talleyrand, est classée Monument Historique.